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Adieu Babylone
Il était 11 heures du mat' et je séchais délibérément un cours de version. J'étais accoudé à une rampe, feuillettant vaguement un magazine en attendant le début de ma séance. Adieu Babylone. C'est pas le nom qui m'a donné envie d'aller voir le film, c'est la musique (Love Train des O'Jays). Sorti le même jour que le fatiguant blockbuster américain "Endiablé", "Adieu Babylone" est passé un peu inaperçu. C'est vrai, un film français avec des acteurs quasiment inconnus et entièrement tourné en DV à la sauvette fait difficilement le poids face à Liz Hurley en bikini mettant des langues à Brendan Fraser dans une lamborghini diablo. En tout cas en apparence. Car en France on n'a peut-être pas de pétrole, mais on a des idées.
Le type a 23 ans. Il s'appelle Raphael. Il prend une caméra numérique, il appelle des potes et ils partent au Brésil avec un budget de court-métrage. Il tourne à la sauvette comme le Godard des années soixante, sans autorisation, en improvisant à moitié, il rentre au pays, il change l'histoire, il repart, il a une centaine d'heures de rushes sur des cassettes DV, il passe un an et demi à monter son film, et il fait le plus beau bébé de l'année. Une histoire d'amour, un road movie, quasiment un film du dogme, avec une actrice principale qui joue merveilleusement bien (Isild le Besco), des sons, des mots, des images tellement enivrants... Pour ma part, si je n'ai pas sauté dans le premier avion après avoir vu le film c'est uniquement parce que je viens d'hypothéquer mon rein gauche la semaine dernière et que je n'ai plus une thune. Sinon je serais déjà à Salvador de Bahia, à Bali ou au Népal à l'heure qu'il est.
Ce film c'est l'histoire d'une jeune fille de 16 ans qui a besoin de partir. Elle a besoin de quitter Paris. Pas pour quitter le monde occidental, pas pour quitter la ville, pas pour quitter la France, juste pour quitter. Pour aller ailleurs, pour faire sa vie, pour l'aventure. On pourrait résumer sa problématique par les paroles de Roméo : "je dois partir et vivre ou rester et mourir". C'est le thème éternel cher à Thoreau et aux romantiques, le thème qu'on retrouve dans Moesta et Errabunda de Baudelaire, mais il est traité ici avec tellement plus d'optimisme et tellement d'amour (l'histoire d'amour qui est au centre du voyage mais aussi l'amour du cinéma qu'on sent dans la réalisation, l'amour de la comédie qu'on sent dans le jeu des acteurs...).
Si vous avez une petite heure et demie devant vous, foncez dans la salle obscure la plus près de chez vous. Asseyez-vous quelque part sans faire de bruit et ouvrez grand vos yeux et vos oreilles.
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