"Je toucherai le ciel et j'aurai les doigts bleus"
No, love is not dead
Bonjour à toutes et à tous !
Le mois de décembre est enfin arrivé et la neige avec lui. Ici à Grenoble les montages commencent à être aussi blanches que des dents et le vent froid des alpes nous rappelle tous les jours à quel point l'inventeur du bonnet est incontestablement le plus grand homme de l'histoire de l'humanité. J'ai sorti pour vous de mon frigo quelques petits poèmes majoritairement français qui tournent souvent de près ou de loin autour du thème de l'amour (eh oui c'est de saison).
Les deux cadeaux bonus du mois (en pièce jointe) sont d'une part la Confession d'un Enfant du Siècle d'Alfred de Musset (en anglais) et, à la demande générale, les paroles de l'album Jours Etranges de Damien Saez.
En ce qui concerne l'actu du collectif, je vous invite à faire un tour sur Sykamore.com (le magazine accueille deux nouveaux rédacteurs), je souhaite également la bienvenue dans le collectif à Patrick Lowie (un charmant romancier qui non seulement écrit mais s'occupe aussi d'aide à la production artistique, de commerce équitable et de beaucoup d'autres choses, allez voir son site : www.biliki.com) enfin je suis heureux de vous annoncer l'arrivée imminente d'un nouveau bébé en-ligne, il s'agira d'une création multimédia sur Paris, je n'en dis pas plus... vous serez informés en temps et en heure.
Pour le moment, à vos fourchettes !
Voici le menu :
Poèmes en français (en blanc) :
Rêve pour l'hiver par Arthur Rimbaud
Ca ? par Tristan Corbière
Nous avons fait la nuit... par Paul Eluard
Intimes V par Paul Eluard
Existence par Maiya Arriz-Tamza
Au Lecteur par Charles Baudelaire
Voie lactée, ô soeur lumineuse par Guillaume Apollinaire
La Cloche Fêlée par Charles Baudelaire
Est-ce que ça se recroqueville ? par Jean Hans Arp
Etude de voix d'enfant par Jean Tardieu
C'est peut-être ça par Michel Vaucaire
Poèmes en anglais (en bleu) :
I have dreamed of you so much par Robert Desnos
The Secret par Denise Levertov
Confession par Charles Bukowski
Euclid par Vachel Lindsay
Granny par Spike Milligan
Triad par William Sharp
Mors Janua Vitae par Alfred Comyn Lyall
The Survivor par Anni Sumari
Today Too par Jukka Koskelainen
Sky Song par Robert Desnos
No, love is not dead par Robert Desnos
J'espère que ces petits textes vous plairont
Prenez bien soin de vous et passez de bonnes fêtes !
Keyvan
Collectif LeS dOiGtS bLeUs
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Hi Everybody !
Always a pleasure to write this letter. Such a pleasure that I always begin by saying "it's always a pleasure". Hopefully Santa will get me a thesaurus.
Here in Grenoble it's winter wonderland : the snowy mountains, the cold wind's whistle and me sipping coffee in front of my computer (it's too cold for me to go outside). Before I go on hibernation I wanted to send you this month's poems which are mostly French (it's true that we Froggies are chauvinists) and about Love ( cause "Love is like oxygen" as Baz Luhrman said).
This month's special gifts are the Confession of a Child of the Century by Alfred de Musset (how do I love this novel !) and the complete lyrics of Saez's "Jours Etranges" LP (that's in French).
Concerning the LeS dOiGtS bLeUs collective, news are good. We're all fine, having fun, biding our time. If you can read French, then check out Sykamore Magazine (two new columnists have joined the team). The other big news is that of an upcoming website dedicated to Paris. It's gonna be a collection of artistic works, thougts and videos on Paris... but I can't say more cause it's top secret for the moment. I would also like to officially welcome a new member of the collective : Belgian novelist Patrick Lowie whose association Cosmos Medina is involved in cultural activities but also fair trade and many other things (check out his site at www.biliki.com).
And now grab a fork cause it's dinner time !
Here's the menu :
Poems in English (in blue) :
I have dreamed of you so much by Robert Desnos
The Secret by Denise Levertov
Confession by Charles Bukowski
Euclid by Vachel Lindsay
Granny by Spike Milligan
Triad by William Sharp
Mors Janua Vitae by Alfred Comyn Lyall
The Survivor by Anni Sumari
Today Too by Jukka Koskelainen
Sky Song by Robert Desnos
No, love is not dead by Robert Desnos
Poems in French (in white) :
Rêve pour l'hiver by Arthur Rimbaud
Ca ? by Tristan Corbière
Nous avons fait la nuit... by Paul Eluard
Intimes V by Paul Eluard
Existence by Maiya Arriz-Tamza
Au Lecteur by Charles Baudelaire
Voie lactée, ô soeur lumineuse by Guillaume Apollinaire
La Cloche Fêlée by Charles Baudelaire
Est-ce que ça se recroqueville ? by Jean Hans Arp
Etude de voix d'enfant by Jean Tardieu
C'est peut-être ça by Michel Vaucaire
I hope you'll enjoy reading these poems !
I wish you all a merry Xmas and a happy new year !
Take good care of yourselves !
Love
Keyvan
LeS dOiGtS bLeUs Collective
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Rêve pour l'hiver
L'hiver, nous irons dans un petit wagon rose
Avec des coussins bleus.
Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose
Dans chaque coin moelleux.
Tu fermeras l'oeil, pour ne point voir, par la glace,
Grimacer les ombres des soirs,
Ces monstruosités hargneuses, populace
De démons noirs et de loups noirs.
Puis tu te sentiras la joue égratignée...
Un petit baiser, comme une folle araignée,
Te courra par le cou...
Et tu me diras: "Cherche!" en inclinant la tête,
Et nous prendrons du temps à trouver cette bête
Qui voyage beaucoup...
Arthur Rimbaud
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I have dreamed of you so much
I have dreamed of you so much that you are no longer real.
Is there still time for me to reach your breathing body, to kiss your mouth and make
your dear voice come alive again?
I have dreamed of you so much that my arms, grown used to being crossed on my
chest as I hugged your shadow, would perhaps not bend to the shape of your body.
For faced with the real form of what has haunted me and governed me for so many
days and years, I would surely become a shadow.
O scales of feeling.
I have dreamed of you so much that surely there is no more time for me to wake up.
I sleep on my feet prey to all the forms of life and love, and you, the only one who
counts for me today, I can no more touch your face and lips than touch the lips and
face of some passerby.
I have dreamed of you so much, have walked so much, talked so much, slept so much
with your phantom, that perhaps the only thing left for me is to become a phantom
among phantoms, a shadow a hundred times more shadow than the shadow the
moves and goes on moving, brightly, over the sundial of your life.
Robert Desnos
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Ca ?
Des essais ? - Allons donc, je n'ai pas essayé !
Étude ? - Fainéant je n'ai jamais pillé.
Volume ? - Trop broché pour être relié...
De la copie ? - Hélas non, ce n'est pas payé !
Un poème ? - Merci, mais j'ai lavé ma lyre.
Un livre ? -... Un livre, encor, est une chose à lire !...
Des papiers ? - Non, non, Dieu merci, c'est cousu !
Album ? - Ce n'est pas blanc, et c'est trop décousu.
Bouts-rimés ? - Par quel bout ?... Et ce n'est pas joli !
Un ouvrage ? - Ce n'est poli ni repoli.
Chansons ? - Je voudrais bien, ô ma petite Muse !...
Passe-temps ? - Vous croyez, alors, que ça m'amuse ?
- Vers ?... vous avez flué des vers... - Non, c'est heurté.
- Ah, vous avez couru l'Originalité ?...
- Non... c'est une drôlesse assez drôle, - de rue -
Qui court encor, sitôt qu'elle se sent courue.
- Du chic pur ? - Eh qui me donnera des ficelles !
- Du haut vol ? Du haut-mal ? - Pas de râle, ni d'ailes !
- Chose à mettre à la porte ? - ...Ou dans une maison
De tolérance. - Ou bien de correction ? - Mais non !
- Bon, ce n'est pas classique ? - À peine est-ce français !
- Amateur ? - Ai-je l'air d'un monsieur à succès ?
Est-ce vieux ? - Ça n'a pas quarante ans de service...
Est-ce jeune ? - Avec !'âge, on guérit de ce vice.
... ÇA c'est naïvement une impudente pose ;
C'est, ou ce n'est pas ça : rien ou quelque chose....
- Un chef-d'oeuvre ? - Il se peut : je n'en ai jamais fait.
- Mais, est-ce du huron, du Gagne, ou du Musset ?
- C'est du... mais j'ai mis là mon humble nom d'auteur,
Et mon enfant n'a pas même un titre menteur.
C'est un coup de raccroc, juste ou faux, par hasard...
L'Art ne me connaît pas. Je ne connais pas l'Art.
Tristan Corbière
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The Secret
Two girls discover
the secret of life
in a sudden line of
poetry.
I who don't know the
secret wrote
the line. They
told me
(through a third person)
they had found it
but not what it was
not even
what line it was. No doubt
by now, more than a week
later, they have forgotten
the secret,
the line, the name of
the poem. I love them
for finding what
I can't find,
and for loving me
for the line I wrote,
and for forgetting it
so that
a thousand times, till death
finds them, they may
discover it again, in other
lines
in other
happenings. And for
wanting to know it,
for
assuming there is
such a secret, yes,
for that
most of all.
Denise Levertov
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Nous avons fait la nuit...
Nous avons fait la nuit, je tiens ta main, je veille
Je te soutiens de toutes mes forces
Je grave sur un roc l’étoile de tes forces
Sillons profonds où la bonté de ton corps germera
Je me répète ta voix cachée, ta voix publique
Je ris encore de l’orgueilleuse
Que tu traites comme une mendiante
Des fous que tu respectes, des simples où tu te baignes
Et dans ma tête qui se met doucement d’accord avec
la tienne, avec la nuit
Je m’émerveille de l’inconnue que tu deviens
Une inconnue semblable à toi, semblable à tout ce que j’aime
Qui est toujours nouveau
Paul Eluard
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Confession
waiting for death
like a cat
that will jump on the
bed
I am so very sorry for
my wife
she will see this
stiff
white
body
shake it once, then
maybe
again
"Hank!"
Hank won't
answer.
it's not my death that
worries me, it's my wife
left with this
pile of
nothing.
I want to
let her know
though
that all the nights
sleeping
beside her
even the useless
arguments
were things
ever splendid
and the hard
words
I ever feared to
say
can now be
said:
I love
you.
Charles Bukowski
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Intimes V
Je n'ai envie que de t'aimer
Un orage emplit la vallée
Un poisson la rivière
Je t'ai faite à la taille de ma solitude.
Le monde entier pour se cacher
Des jours des nuits pour se comprendre
Pour ne plus rien voir dans tes yeux
Que ce que je pense de toi
Et d'un monde à ton image
Et des jours et des nuits réglés par tes paupières.
Paul Eluard
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Euclid
Old Euclid drew a circle
On a sand-beach long ago.
He bounded and enclosed it
With angles thus and so.
His set of solemn graybeards
Nodded and argued much
Of arc and of circumference,
Diameter and such.
A silent child stood by them
From morning until noon
Because they drew such charming
Round pictures of the moon.
Vachel Lindsay
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Existence
Je ne puis dire que
Tu me manques
Pourtant
Tu n'es pas là
J'entends
Ton Nom
Je reconnais
Tes Formes
Ton Odeur
En tout être
En toute chose
Et même au delà.
Mais la multitude
La diversité
De Ta Présence
Si elles attestent de
Ton Existence
Ne sont pas tout à fait
Toi.
Elles ne mesurent que
L'étendue
De La Présence de
Ton Absence.
Maiya Arriz-Tamza
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Granny
Through every nook and every cranny
The wind blew in on poor old Granny;
Around her knees, into each ear
(And up her nose as well, I fear).
All through the night the wind grew worse,
It nearly made the vicar curse.
The top had fallen off the steeple
Just missing him (and other people).
It blew on man; it blew on beast.
It blew on nun; it blew on priest.
It blew the wig off Auntie Fanny -
But most of all, it blew on Granny !!
Spike Milligan
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Au Lecteur
La sottise, l'erreur, le péché, la lésine,
Occupent nos esprits et travaillent nos corps,
Et nous alimentons nos aimables remords,
Comme les mendiants nourrissent leur vermine.
Nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches,
Nous nous faisons payer grassement nos aveux,
Et nous rentrons gaîment dans le chemin bourbeux,
Croyant par de vils pleurs laver toutes nos taches.
Sur l'oreiller du mal c'est Satan Trismégiste
Qui berce longuement notre esprit enchanté,
Et le riche métal de notre volonté
Est tout vaporisé par ce savant chimiste.
C'est le Diable qui tient les fils qui nous remuent!
Aux objets répugnants nous trouvons des appas;
Chaque jour vers l'Enfer nous descendons d'un pas,
Sans horreur, à travers des ténèbres qui puent.
Ainsi qu'un débauché pauvre qui baise et mange
Le sein martyrisé d'une antique catin,
Nous volons au passage un plaisir clandestin
Que nous pressons bien fort comme une vieille orange.
Serré, fourmillant, comme un million d'helminthes,
Dans nos cerveaux ribote un peuple de Démons,
Et, quand nous respirons, la Mort dans nos poumons
Descend, fleuve invisible, avec de sourdes plaintes.
Si le viol, le poison, le poignard, l'incendie,
N'ont pas encore brodé de leurs plaisants desseins
Le canevas banal de nos piteux destins,
C'est que notre âme, hélas! n'est pas assez hardie.
Mais parmi les chacals, les panthères, les lices,
Les singes, les scorpions, les vautours, les serpents,
Les monstres glapissants, hurlants, grognants, rampants
Dans la ménagerie infâme de nos vices,
Il en est un plus laid, plus méchant, plus immonde!
Quoiqu'il ne pousse ni grands gestes ni grands cris,
Il ferait volontiers de la terre un débris
Et dans un bâillement avalerait le monde;
C'est l'Ennui!--L'oeil chargé d'un pleur involontaire,
Il rêve d'échafauds en fumant son houka.
Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat,
--Hypocrite lecteur,--mon semblable,--mon frère!
Charles Baudelaire
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Triad
From the Silence of Time, Time’s Silence borrow.
In the heart of To-day is the word of To-morrow.
The Builders of Joy are the Children of Sorrow.
William Sharp
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Voie lactée ô soeur lumineuse...
Voie lactée ô soeur lumineuse
Des blancs ruisseaux de Chanaan
Et des corps blancs des amoureuses
Nageurs morts suivrons nous d'ahan
Ton cours vers d'autres nébuleuses
Regret des yeux de la putain
Et belle comme une panthère
Amour vos baisers florentins
Avaient une saveur amère
Qui a rebuté nos destins
Ses regards laissaient une traîne
D'étoiles dans les soirs tremblants
Dans ses yeux nageaient les sirènes
Et nos baisers mordus sanglants
Faisaient pleurer nos fées marraines
Mais en vérité je l'attends
Avec mon coeur avec mon âme
Et sur le pont des Reviens-t'en
Si jamais reviens cette femme
Je lui dirai Je suis content
Mon coeur et ma tête se vident
Tout le ciel s'écoule par eux
O mes tonneaux des Danaïdes
Comment faire pour être heureux
Comme un petit enfant candide
Je ne veux jamais l'oublier
Ma colombe ma blanche rade
O marguerite exfoliée
Mon île au loin ma Désirade
Ma rose mon giroflier
Les satyres et les pyraustes
Les égypans les feux follets
Et les destins damnés ou faustes
La corde au cou comme à Calais
Sur ma douleur quel holocauste
Douleur qui doubles les destins
La licorne et le capricorne
Mon âme et mon corps incertains
Te fuient ô bûcher divin qu'ornent
Des astres des fleurs du matin
Malheur dieu pâle aux yeux d'ivoire
Tes prêtres fous t'ont-ils paré
Tes victimes en robe noire
Ont-elles vainement pleuré
Malheur dieu qu'il ne faut pas croire
Et toi qui me suis en rampant
Dieu de mes dieux morts en automne
Tu mesures combien d’empans
J'ai droit que la terre me donne
O mon ombre ô mon vieux serpent
Au soleil parce que tu l'aimes
Je t'ai mené souviens-t'en bien
Ténébreuse épouse que j'aime
Tu es à moi en n'étant rien
O mon ombre en deuil de moi-même
L'hiver est mort tout enneigé
On a brûlé les ruches blanches
Dans les jardins et les vergers
Les oiseaux chantent sur les branches
Le printemps clair l'Avril léger
Mort d'immortels argyraspides
La neige aux boucliers d'argent
Fuit les dendrophores livides
Du printemps cher aux pauvres gens
Qui ressourient les yeux humides
Mais moi j'ai le coeur aussi gros
Qu'un cul de dame damascène
O mon amour je t'aimais trop
Et maintenant j'ai trop de peine
Les sept épées hors du fourreau
Sept épées de mélancolie
Sans morfil ô claires douleurs
Sont dans mon coeur et la folie
Veux raisonner pour mon malheur
Comment voulez-vous que j'oublie
Guillaume Apollinaire
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‘Mors Janua Vitae’
I am the God of the sensuous fire
That moulds all Nature in forms divine;
The symbols of death and of man’s desire,
The springs of change in the world, are mine;
The organs of birth and the circlet of bones,
And the light loves carved on the temple stones.
I am the lord of delights and pain,
Of the pest that killeth, of fruitful joys;
I rule the currents of heart and vein;
A touch gives passion, a look destroys;
In the heat and cold of my lightest breath
Is the might incarnate of Lust and Death.
If a thousand altars stream with blood
Of the victims slain by the chanting priest,
Is a great God lured by the savoury food?
I reck not of worship, or song, or feast;
But that millions perish, each hour that flies,
Is the mystic sign of my sacrifice.
Ye may plead and pray for the millions born;
They come like dew on the morning grass;
Your vows and vigils I hold in scorn,
The soul stays never, the stages pass;
All life is the play of the power that stirs
In the dance of my wanton worshippers.
And the strong swift river my shrine below
It runs, like man, its unending course
To the boundless sea from eternal snow;
Mine is the Fountain - and mine the Force
That spurs all nature to ceaseless strife;
And my image is Death at the gates of Life.
In many a legend and many a shape,
In the solemn grove and the crowded street,
I am the Slayer, whom none escape;
I am Death trod under a fair girl’s feet;
I govern the tides of the sentient sea
That ebbs and flows to eternity.
And the sum of the thought and the knowledge of man
Is the secret tale that my emblems tell;
Do ye seek God’s purpose, or trace his plan?
Ye may read your doom in my parable:
For the circle of life in its flower and its fall
Is the writing that runs on my temple wall.
Let my temples fall, they are dark with age,
Let my idols break, they have stood their day;
On their deep hewn stones the primeval sage
Has figured the spells that endure alway;
My presence may vanish from river and grove,
But I rule for ever in Death and Love.
Sir Alfred Comyn Lyall
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La cloche fêlée
Il est amer et doux, pendant les nuits d'hiver,
D'écouter, près du feu qui palpite et qui fume,
Les souvenirs lointains lentement s'élever
Au bruit des carillons qui chantent dans la brume.
Bienheureuse la cloche au gosier vigoureux
Qui, malgré sa vieillesse, alerte et bien portante,
Jette fidèlement son cri religieux,
Ainsi qu'un vieux soldat qui veille sous la tente!
Moi, mon âme est fêlée, et lorsqu'en ses ennuis
Elle veut de ses chants peupler l'air froid des nuits,
Il arrive souvent que sa voix affaiblie
Semble le râle épais d'un blessé qu'on oublie
Au bord d'un lac de sang, sous un grand tas de morts,
Et qui meurt, sans bouger, dans d'immenses efforts.
Charles Baudelaire
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The Survivor
A dreaming human being is like a plane, a cross in shape
his curls of smoke and aluminium blowing against the wind, when he curves into the tangled jungle, in which survive the miniatures only -
so the human flying in a dream folds his wings aside and begins to shrink,
the power of will not being there to swell him out, and the space scrap of unfulfilled hopes not filling him out of form;
his needs filter out in bright forms and so arises an identical replica of the survivor:
without effort, he'll get through the ever-expanding examination, to the deeper circles, at ease of blowing up soap bubbles, one within the other.
Anni Sumari
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Est-ce que ça se recroqueville
est-ce que ça se recroqueville
il faut que ça se recroqueville
commence doucement avec précaution
croque une ville après l'autre
j'ai beau faire
ça ne se recroqueville pas
c'est facile à dire
il faut que ça se recroqueville
ça ne se recroqueville pas
essaie une fois
de croquer un pas
dans une ville sans village
parfois ça danse
comme une girafe
dans une housse
parfois ça roule
comme une larme
dans une assiette vivante
mais ça ne se recroqueville pas
alors appelle les croque-morts
avec les harpes nuptiales
alors appelle les croque-mitaines
avec les lampadaires hirsutes
ça éternue maintenant
comme un hémisphère couvert de cravates
ça rit maintenant
comme un équateur chamarré
ça ronfle maintenant
comme un coeur dans un gosier de glace
mais ça ne se recroqueville pas
saint gland sidéral
saint cerceau de miel
sainte boule
sans tête et sans queue
il faut que ça se recroqueville
Jean Hans Arp
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Today, too
There is no one to be seen in the sky today,
only its veins are bulging and
spots of sun move across the skin, the sun's barbs.
But I am as whole as any ocean.
I run in circles, the city haunts me with its brilliance,
masts and the water's surfaces write one another.
I circle, no one, a long descending vowel
along the flagstones like a medieval hymn
or the cleansing of a religion. No one -
is that for whom the singing is? All these
masts and the glittering of the waters? Nothing changes,
the water in the pools does not change, I circle.
AND YET
Jukka Koskelainen
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Etude de voix d'enfant
Les maison y sont là
les deux pieds sous la porte
tu les vois les maisons?
Les pavés y sont là
les souliers de la pluie
y sont noirs mais y brillent.
Tout le monde il est là
le marchand le passant
le parent le zenfant
le méchant le zagent.
Les auto fait vou-hou
le métro fait rraou
et le nuage, y passe
et le soleil, y dort.
Tout le monde il est là
comme les autres jours
mais c'est un autre jour
c'est une autre lumière :
aujourd'hui c'est hier.
Jean Tardieu
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Sky Song
The flower of the Alps told the seashell: "You're shining"
The seashell told the sea: "You echo"
The sea told the boat: "You're shuddering"
The boat told the fire: "You're glowing brightly"
The fire told me: "I glow less brightly than her eyes"
The boat told me: "I shudder less than your heart does when she appears"
The sea told me: "I echo less than her name does in your love-making"
The seashell told me: "I shine less brightly than the phosphorus of desire in your hollow dream"
The flower of the Alps told me: "She's beautiful"
I said: "She's beautiful, so beautiful, she moves me."
Robert Desnos
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C'est Peut-être Ça
C'est peut-être ça
L'amour, le grand amour
C'est peut-être ça
Qui m'a prise à mon tour
Ce je ne sais trop quoi
Qui fait froid dans le dos
Et soudain donne chaud
Quand tout le monde a froid...
C'est peut-être ça
Qui fait battre le coeur
Et pendant des heures
Vous fera rester là
Devant un téléphone
Pour entendre une voix
Devant un téléphone
Qui ne sonnera pas...
C'est peut-être ça
L'amour, le grand amour
C'est peut-être ça
Qui m'a prise à mon tour
Ce sentiment brutal
Lorsque tout allait bien
De se sentir très mal
Sans savoir d'où ça vient
C'est peut-être ça
Qui fait pleurer de rire
Et vous fait courir
A minuit sous la pluie
Sous la pluie, sans manteau
En gueulant qu'il fait beau
En gueulant que la vie
'y a rien de plus joli...
Avant, juste avant
D'aller se foutre à l'eau...
C'est peut-être ça
L'amour...Le Grand Amour!...
Michel Vaucaire
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No, love is not dead
No, love is not dead in this heart and these eyes and this mouth
that proclaimed the beginning of its own requiem.
Listen, I've had enough of the picturesque, of colors and charms.
I love love, its tenderness and its cruelty.
The one I love has only a single name, a single form.
Everything goes. Mouths cling to this mouth.
The one I love has only one name, one form.
And some day if you remember it
O you, form and name of my love,
One day on the sea between America and Europe,
When the last ray of sun flashes on the undulating surface of the waves,
or else one stormy night beneath a tree in the country, or in a speeding car,
One spring morning Boulevard Malesherbes,
One rainy day,
At dawn before putting yourself to bed,
Tell yourself, I summon your familiar ghost, that I was the only one to love
you more and what a pity it is you didn't know it.
Tell yourself you shouldn't be sorry for anything: before me Ronsard and
Baudelaire sang the sorrows of old women and dead women who despised the purest love.
You, when you die,
You will still be beautiful and desirable.
I'll already be dead, completely enclosed in your immortal body, in your
astonishing image present forever among the perpetual wonders of life and eternity,
but if I outlive you
Your voice and how it sounds, your gaze and how it shines,
The smell of you and of your hair and many other things will still go on
living in me,
In me, and I'm no Ronsard or Baudelaire,
Just me Robert Desnos who, for having known and loved you,
Is as good as they are.
Just me Robert Desnos who, for loving you
Doesn't want to be remembered for anything else on this despicable earth.
Robert Desnos
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