"Je toucherai le ciel et j'aurai les doigts bleus"
Time takes a cigarette,
puts it in your mouth...
Bonjour à toutes et à tous !
Pour commencer je tiens à vous souhaiter une très bonne année au nom du collectif LeS dOiGtS bLeUs. Qu'elle soit pleine de bonheur, d'aventure et de poésie !... notre lettre mensuelle tentera d'y contribuer :-)
Veuillez nous excuser du retard de cette lettre, mais le début du mois a été chargé.
La sélection de janvier est assez sombre... un peu comme l'air du temps. Délires rimbaldiens, créoles, rock'n'roll... de quoi pourvoir aux besoins spleenétiques d'une armée entière.
A propos d'armée, merci à tous ceux d'entre vous qui nous ont envoyé les nombreuses pétitions circulant sur le net contre l'intervention militaire en Irak. Malheureusement, elles sont en général censées avoir été lancées par l'ONU, or elles ne le sont pas et l'ONU n'y prête pas attention. Pour celles et ceux d'entre vous qui auraient envie d'agir concrètement pour la paix, nous recensé quelques organisations impliquées dans ce domaine. Pour les connaître faites un tour sur la page des liens de notre nouveau site "Remember Love" ( http://remember.love.free.fr). - Le site est encore à l'état embryonnaire... il s'étoffera petit à petit...
Dimanche 26 Janvier, le Salon des Octaviennes se tiendra à Paris, à l'Unity Bar (176-178 rue Saint Martin dans le 4e) de 14h30 à 17h. Il y aura notamment des récitals de poésie. L'entrée est libre alors profitez-en ! (renseignements au 01 42 72 70 59)
De même les concerts poétiques qui se déroulent le 11 de chaque mois au 111 St Honoré (métro Louvre-Rivoli) à 20h, l'entrée est également libre (renseignements au 01 53 62 16 46).
Enfin je vous rappelle que vous pouvez toujours aller voir les toiles de Stéphanie Varela à la Maison des Initiatives Etudiantes à Paris (50 rue des Tournelles, Métro Bastille), du lundi au samedi toute la journée.
Voilà pour les annonces, maintenant, je vous propose sans plus attendre de passer au menu de ce mois :
En français (en blanc) :
En anglais (en bleu) :
Les bonus du mois (en pièce jointe) sont deux textes d'Arthur Rimbaud (une lettre et un de ses poèmes zutiques) et "La désobéissance civile" d'Henry David Thoreau (en anglais).
Enfin, petit addendum de dernière minute, quelques vers très gentiments envoyés pour être partagés... je ne sais pas de qui ils sont, mais ils sont.
(merci Florence !)
Ma vie au loin mon étrangère
Ce que je fus je l'ai quitté
Et les teintes d'aimer changèrent
Comme roussit dans les fougères
Le songe d'une nuit d'été
J'espère que la sélection vous plaira
Prenez soin de vous et encore une fois meilleurs voeux
Keyvan
Collectif LeS dOiGtS bLeUs
************************************************************************
Hi everyone !
First of all I would like to wish you all a very happy new year on behalf of the LeS dOiGtS bLeUs collective. May it be full of happiness, adventure and poetry !
I would also like to apologize for sending out this letter a bit late... the beginning of the month has been pretty busy for us.
This month's selection is rather dark... just like the days we're going through...
Thanks to all those of you who have sent us these chain e-letters againsts military intervention in Irak... unfortunately, the ones that are supposed to have been launched by the UN are hoaxes... and the UN doesn't pay much attention to them. So we created this small website called "Remember Love" ( http://remember.love.free.fr) which features links to organisations that do concrete things to promote the ideas of peace and non-violence in the world. If you want to get involved, check out their websites.
Now without further ado, let's get started on this month's menu :
In English (in blue) :
In French (in white) :
Les effarés by Arthur Rimbaud
Quand je serai guérie by Sabine Sicaud
C'était longtemps avant la guerre by Paul-Jean Toulet
Aumône by Stéphane Mallarmé
Tristesse d'été by Stéphane Mallarmé
Bêtise de la guerre by Victor Hugo
Sous le fouet rougiront tes épaules... by Ossip Mandelstam
Poète différent by Yassin Adnan
Les réparties de Nina by Arthur Rimbaud
As always, the letter comprises two bonus attachments : the first one is "Civil Disobedience" by H.D. Thoreau and the second one is a letter and a nonsense poem by Arthur Rimbaud.
I hope you'll enjoy reading all this.
Take good care of yourselves and REMEMBER LOVE
Keyvan
LeS dOiGtS bLeUs collective
********************************************************************
Les effarés
Noirs dans la neige et dans la brume,
Au grand soupirail qui s'allume,
Leurs culs en rond,
À genoux, cinq petits, - misère! Regardent le boulanger faire
Le lourd pain blond...
Ils voient le fort bras blanc qui tourne
La pâte grise, et qui l'enfourne
Dans un trou clair.
Ils écoutent le bon pain cuire.
Le boulanger au gras sourire
Chante un vieil air.
Ils sont blottis, pas un ne bouge,
Au souffle du soupirail rouge,
Chaud comme un sein.
Et quand, pendant que minuit sonne,
Façonné, pétillant et jaune,
On sort le pain,
Quand, sous les poutres enfumées,
Chantent les croûtes parfumées,
Et les grillons,
Quand ce trou chaud souffle la vie
Ils ont leur âme si ravie
Sous leurs haillons,
Ils se ressentent si bien vivre,
Les pauvres petits pleins de givre!
- Qu'ils sont là, tous,
Collant leurs petits museaux roses
Au grillage, chantant des choses,
Entre les trous,
Mais bien bas, - comme une prière...
Repliés vers cette lumière
Du ciel rouvert,
- Si fort, qu'ils crèvent leur culotte,
- Et que leur lange blanc tremblote
Au vent d'hiver...
Arthur Rimbaud
------------------------------------------------------------------------------------
Wild honey has the scent of freedom,
dust--of a ray of sun,
a girl's mouth--of a violet,
and gold--has no perfume.
Watery--the mignonette,
and like an apple--love,
but we have found out forever
that blood smells only of blood.
Anna Akhmatova
---------------------------------------------------------------------------------------------------
L'errant
Il courait, il courait, le malheureux,
sous la lune et dans les cendres,
son pied glissait sur les plages
et la forêt vierge arrachait ses cheveux.
Il courait, il courait comme un fou,
gesticulant de ses longs membres noirs;
la neige pénétrait son sang,
le sable sa cervelle.
Dans chaque capitale il trouvait des amis
au fond d'un café des faubourgs,
ils l'embrassaient, lui donnaient de l'alcool,
des cigares et des femmes aux yeux bêtes.
Il caressait leurs cheveux,
il mangeait une assiettée de soupe et s'en allait,
ses grands bras ridicules
levés vers un ciel gris et jaune.
Ah! qu'il en avait des amis, des amis,
de vrais amis de par le monde,
il courait, il courait sur les routes et les plages,
parce que ce n'était jamais cela.
Il court encore, mes amis, mes amis,
ne prenez pas cet air stupide,
un oeil de trop, un nez de moins,
et chaque fois le tableau est manqué.
Il court, il court, et dans les bars des faubourgs,
on discute de son cas;
les piles d'assiettes tombent des bras des servantes, chacun rentre chez soi seul, se mordant les lèvres.
Il tourne, il tourne, mes amis,
à s'en rompre les artères.
René Daumal
----------------------------------------------------------------------------------------------------
Variations on a theme by William Carlos Williams
1
I chopped down the house that you had been saving to live in next summer.
I am sorry, but it was morning, and I had nothing to do
and its wooden beams were so inviting.
2
We laughed at the hollyhocks together
and then I sprayed them with lye.
Forgive me. I simply do not know what I am doing.
3
I gave away the money that you had been saving to live on for the next ten years.
The man who asked for it was shabby
and the firm March wind on the porch was so juicy and cold.
4
Last evening we went dancing and I broke your leg.
Forgive me. I was clumsy and
I wanted you here in the wards, where I am the doctor!
Kenneth Koch
------------------------------------------------------------------------------------------------------
Quand je serai guérie
Filliou, quand je serai guérie,
Je ne veux voir que des choses très belles...
De somptueuses fleurs, toujours fleuries ;
Des paysages qui toujours se renouvellent,
Des couchers de soleil miraculeux, des villes
Pleines de palais blancs, de ponts, de campaniles
Et de lumières scintillantes... Des visages
Très beaux, très gais ; des danses
Comme dans ces ballets auxquels je pense,
Interprétés par Jean Borlin. Je veux des plages
Au décor de féerie,
Avec des étrangers sportifs aux noms de princes,
Des étrangères en souliers de pierreries
Et de splendides chiens neigeux aux jambes minces.
Je veux, frôlés de Rolls silencieuses,
De longs trottoirs de velours blond. Terrasses,
Orchestres bourdonnant de musiques heureuses...
Vois-tu, Filliou, le Carnaval qui passe ?
La Riviera débordante de roses ?
J'ai besoin de ne voir un instant que ces choses
Quand je serai guérie !
J'aurai ce châle aux éclatantes broderies
Qui fait songer aux courses espagnoles,
Des cheveux courts en auréole
Comme Maë Murray, des yeux qui rient,
Un teint de cuivre et l'air, non pas d'être guérie,
Mais de n'avoir jamais connu de maladie !
J'aurai tous les parfums, " les plus rares qui soient ",
Une chambre moderne aux nuances hardies,
Une piscine rouge et des coussins de soie
Un peu cubistes. J'ai besoin de fantaisie...
J'ai besoin de sorbets et de liqueurs glacées,
De fruits craquants, de raisins doux, d'amandes fraîches.
Peut-être d'ambroisie...
Ou simplement de mordre au coeur neuf d'une pêche ?
J'ai besoin d'oublier tant de sombres pensées,
Tant de bols de tisane et d'heures accablantes !
Il me faudra, vois-tu, des choses si vivantes
Et si belles, Filliou... si belles - ou si gaies !
Nul ne sait à quel point nous sommes fatiguées,
Toutes deux, de ce gris de la tapisserie,
De l'armoire immobile et de ces noires baies
Que le laurier nous tend derrière la fenêtre.
Tant de voyages, dis, de pays à connaître,
De choses qu'on rêvait, qui pourront être
Quand je serai guérie...
Sabine Sicaud
-------------------------------------------------------------------------------------------
Rock'n'roll suicide
Time takes a cigarette, puts it in your mouth
You pull on your finger, then another finger, then your cigarette
The wall-to-wall is calling, it lingers, then you forget
Ohhh how how how, you're a rock 'n' roll suicide
You're too old to lose it, too young to choose it
And the clocks waits so patiently on your song
You walk past a cafe but you don't eat when you've lived too long
Oh, no, no, no, you're a rock 'n' roll suicide
Chev brakes are snarling as you stumble across the road
But the day breaks instead so you hurry home
Don't let the sun blast your shadow
Don't let the milk float ride your mind
You're so natural - religiously unkind
Oh no love! you're not alone
You're watching yourself but you're too unfair
You got your head all tangled up but if I could only
make you care
Oh no love! you're not alone
No matter what or who you've been
No matter when or where you've seen
All the knives seem to lacerate your brain
I've had my share, I'll help you with the pain
You're not alone
Just turn on with me and you're not alone
Let's turn on with me and you're not alone (wonderful)
Let's turn on and be not alone (wonderful)
Gimme your hands cause you're wonderful (wonderful) x2
Oh gimme your hands.
David Bowie
-----------------------------------------------------------------------------------------------
Le mal
Tandis que les crachats rouges de la mitraille
Sifflent tout le jour par l'infini du ciel bleu ;
Qu'écarlates ou verts, près du Roi qui les raille,
Croulent les bataillons en masse dans le feu ;
Tandis qu'une folie épouvantable broie
Et fait de cent milliers d'hommes un tas fumant ;
- Pauvres morts ! dans l'été, dans l'herbe, dans ta joie,
Nature ! ô toi qui fis ces hommes saintement !...
- Il est un Dieu, qui rit aux nappes damassées
Des autels, à l'encens, aux grands calices d'or ;
Qui dans le bercement des hosannah s'endort,
Et se réveille, quand des mères, ramassées
Dans l'angoisse, et pleurant sous leur vieux bonnet noir,
Lui donnent un gros sou lié dans leur mouchoir !
Arthur Rimbaud
----------------------------------------------------------------------------------------------
The Sentence
And the stone word fell
On my still-living breast.
Never mind, I was ready.
I will manage somehow.
Today I have so much to do:
I must kill memory once and for all,
I must turn my soul to stone,
I must learn to live again-
Unless . . . Summer's ardent rustling
Is like a festival outside my window.
For a long time I've foreseen this
Brilliant day, deserted house.
Anna Akhmatova
----------------------------------------------------------------------------------------------------
C'était longtemps avant la guerre
Sur la banquette en moleskine
Du sombre corridor,
Aux flonflons d'Offenbach s'endort
Une blanche Arlequine.
... Zo' qui saute entre deux MMrs,
Nul falzar ne dérobe
Le double trésor sous sa robe
Qu'ont mûri d'autres cieux.
On soupe.., on sort... Bauby pérore...
Dans ton regard couvert,
Faustine, rit un matin vert...
... Amour, divine aurore.
Paul-Jean Toulet
-------------------------------------------------------------------------------------------------------
She came in through the bathroom window
She came in through the bathroom window
Protected by a silver spoon
But now she sucks her thumb and wanders
By the banks of her own lagoon
Didn't anybody tell her?
Didn't anybody see?
Sunday's on the phone to Monday,
Tuesday's on the phone to me
She said she'd always been a dancer
She worked at 15 clubs a day
And though she thought I knew the answer
Well I knew what I could not say.
And so I quit the police department
And got myself a steady job
And though she tried her best to help me
She could steal but she could not rob
Didn't anybody tell her?
Didn't anybody see?
Sunday's on the phone to Monday,
Tuesday's on the phone to me
Oh yeah.
Paul Mc Cartney
-----------------------------------------------------------------------------------------------------
Aumône
Prends ce sac, Mendiant! tu ne le cajolas
Sénile nourrisson d'une tétine avare
Afin de pièce à pièce en égoutter ton glas.
Tire du métal cher quelque péché bizarre
Et vaste comme nous, les poings pleins, le baisons
Souffles-y qu'il se torde! une ardente fanfare.
Église avec l'encens que toutes ces maisons
Sur les murs quand berceur d'une bleue éclaircie
Le tabac sans parler roule les oraisons,
Et l'opium puissant brise la pharmacie!
Robes et peaux, veux-tu lacérer le satin
Et boire en la salive l'heureuse inertie,
Par les cafés princiers attendre le matin?
Les plafonds enrichis de nymphes et de voiles,
On jette, au mendiant de la vitre, un festin.
Et quand tu sors, vieux dieu, grelottant sous tes toiles
D'emballage, l'aurore est un lac de vin d'or
Et tu jures avoir au gosier les étoiles!
Faute de supputer l'éclat de ton trésor,
Tu peux du moins t'orner d'une plume, à complies
Servir un cierge au saint en qui tu crois encor.
Ne t'imagine pas que je dis des folies.
La terre s'ouvre vieille à qui crève la faim.
Je hais une autre aumône et veux que tu m'oublies.
Et surtout ne va pas, frère, acheter du pain.
Stéphane Mallarmé
-------------------------------------------------------------------------------------------------------
The song of the Banana Man
Touris, white man, wipin his face,
Met me in Golden Grove market place.
He looked at m'ol' clothes brown wid stain ,
An soaked right through wid de Portlan rain,
He cas his eye, turn up his nose,
He says, 'You're a beggar man, I suppose?'
He says, 'Boy, get some occupation,
Be of some value to your nation.'
I said, 'By God and dis big right han
You mus recognize a banana man.
'Up in de hills, where de streams are cool,
An mullet an janga swim in de pool,
I have ten acres of mountain side,
An a dainty-foot donkey dat I ride,
Four Gros Michel, an four Lacatan,
Some coconut trees, and some hills of yam,
An I pasture on dat very same lan
Five she-goats an a big black ram,
Dat, by God an dis big right han
Is de property of a banana man.
'I leave m'yard early-mornin time
An set m'foot to de mountain climb,
I ben m'back to de hot-sun toil,
An m'cutlass rings on de stony soil,
Ploughin an weedin, diggin an plantin
Till Massa Sun drop back o John Crow mountain,
Den home again in cool evenin time,
Perhaps whistling dis likkle rhyme,
(Sung)Praise God an m'big right han
I will live an die a banana man.
'Banana day is my special day,
I cut my stems an I'm on m'way,
Load up de donkey, leave de lan
Head down de hill to banana stan,
When de truck comes roun I take a ride
All de way down to de harbour side—
Dat is de night, when you, touris man,
Would change your place wid a banana man.
Yes, by God, an m'big right han
I will live an die a banana man.
'De bay is calm, an de moon is bright
De hills look black for de sky is light,
Down at de dock is an English ship,
Restin after her ocean trip,
While on de pier is a monstrous hustle,
Tallymen, carriers, all in a bustle,
Wid stems on deir heads in a long black snake
Some singin de sons dat banana men make,
Like, (Sung) Praise God an m'big right han
I will live an die a banana man.
'Den de payment comes, an we have some fun,
Me, Zekiel, Breda and Duppy Son.
Down at de bar near United Wharf
We knock back a white rum, bus a laugh,
Fill de empty bag for further toil
Wid saltfish, breadfruit, coconut oil.
Den head back home to m'yard to sleep,
A proper sleep dat is long an deep.
Yes, by God, an m'big right han
I will live an die a banana man.
'So when you see dese ol clothes brown wid stain,
An soaked right through wid de Portlan rain,
Don't cas your eye nor turn your nose,
Don't judge a man by his patchy clothes,
I'm a strong man, a proud man, an I'm free,
Free as dese mountains, free as dis sea,
I know myself, an I know my ways,
An will sing wid pride to de end o my days
(Sung)Praise God an m'big right han
I will live an die a banana man.'
Evan Jones
------------------------------------------------------------------------------------------------------
Tristesse d'été
Le soleil, sur la table, ô lutteuse endormie,
En l'or de tes cheveux chauffe un bain langoureux
Et, consumant l'encens sur ta joue ennemie,
Il mêle avec les pleurs un breuvage amoureux.
De ce blanc Flamboiement l'immuable accalmie
T'a fait dire, attristée, ô mes baisers peureux,
«Nous ne serons jamais une seule momie
Sous l'antique désert et les palmiers heureux! »
Mais ta chevelure est une rivière tiède,
Où noyer sans frissons l'âme qui nous obsède
Et trouver ce Néant que tu ne connais pas.
Je goûterai le fard pleuré par tes paupières,
Pour voir s'il sait donner au coeur que tu frappas
L'insensibilité de l'azur et des pierres.
Stéphane Mallarmé
--------------------------------------------------------------------------------------------------------
I'm nobody ! Who are you ?
I'm Nobody! Who are you?
Are you—Nobody—Too?
Then there's a pair of us!
Don't tell! they'd advertise—you know!
How dreary—to be—Somebody!
How public—like a Frog—
To tell one's name—the livelong June—
To an admiring Bog!
Emily Dickinson
--------------------------------------------------------------------------------------------------------
Bêtise de la guerre
Ouvrière sans yeux, Pénélope imbécile,
Berceuse du chaos où le néant oscille,
Guerre, ô guerre occupée au choc des escadrons,
Toute pleine du bruit furieux des clairons,
Ô buveuse de sang, qui, farouche, flétrie,
Hideuse, entraîne l'homme en cette ivrognerie,
Nuée où le destin se déforme, où Dieu fuit,
Où flotte une clarté plus noire que la nuit,
Folle immense, de vent et de foudres armée,
A quoi sers-tu, géante, à quoi sers-tu, fumée,
Si tes écroulements reconstruisent le mal,
Si pour le bestial tu chasses l'animal,
Si tu ne sais, dans l'ombre où ton hasard se vautre,
Défaire un empereur que pour en faire un autre ?
Victor Hugo
------------------------------------------------------------------------------------------
Minstrel Man
Because my mouth
Is wide with laughter
And my throat
Is deep with song,
You do not think
I suffer after
I have held my pain
So long?
Because my mouth
Is wide with laughter,
You do not hear
My inner cry?
Because my feet
Are gay with dancing,
You do not know
I die?
Langston Hughes
----------------------------------------------------------------------------------------------
Sous le fouet rougiront tes épaules si frêles,
Tes épaules si frêles brûleront dans le gel.
Tes mains fines auront des fers à soulever,
Des fers à soulever, des cordes à tresser.
Sur le verre iront nus tes tendres pieds d’enfant,
Tes tendres pieds d’enfant sur le sable sanglant...
Et, cierge noir, pour toi il me faudra brûler,
Il me faudra brûler mais sans oser prier.
Ossip Mandelstam
--------------------------------------------------------------------------------------------
Hornworm : Autumn lamentation
Since that first morning when I crawled
into the world, a naked grubby thing,
and found the world unkind,
my dearest faith has been that this
is but a trial: I shall be changed.
In my imaginings I have already spent
my brooding winter underground,
unfolded silky powdered wings, and climbed
into the air, free as a puff of cloud
to sail over the steaming fields,
alighting anywhere I pleased,
thrusting into deep tubular flowers.
It is not so: there may be nectar
in those cups, but not for me.
All day, all night, I carry on my back
embedded in my flesh, two rows
of little white cocoons,
so neatly stacked
they look like eggs in a crate.
And I am eaten half away.
If I can gather strength enough
I'll try to burrow under a stone
and spin myself a purse
in which to sleep away the cold;
though when the sun kisses the earth
again, I know I won't be there.
Instead, out of my chrysalis
will break, like robbers from a tomb,
a swarm of parasitic flies,
leaving my wasted husk behind.
Sir, you with the red snippers
in your hand, hovering over me,
casting your shadow, I greet you,
whether you come as an angel of death
or of mercy. But tell me,
before you choose to slice me in two:
Who can understand the ways
of the Great Worm in the Sky?
Stanley Kunitz
-------------------------------------------------------------------------------------------
Poète différent
Si j'étais né palestinien
on m'identifierait à une Cause
et les critiques s'évertueraient
à percer le sens profond
de mes poèmes
Ils y chercheraient
le moindre repli de la blessure
et jusqu'à l'éloge des oranges
Souad symboliserait le Pays
et Aïcha la Terre
Une simple étreinte deviendrait
fusion avec l'herbe de la Cause
et l'attente le jour durant
au Café de la Gare
signifierait
a résistance face au Siège
Si les forces de l'ordre
avait décelé dans mes opinions
(celles que je n'ai pu exprimer ouvertement)
ce qui aurait pu menacer l'ordre
je jouirais maintenant
du statut d'ancien prisonnier
on me trouverait profond
même si je ne parlais que de météo
et de marques de bière
digne de soutien
au moindre soupir
à la moindre plainte
J'aurais peut-être obtenu
le droit d'asile
dans une capitale blonde
Paris par exemple
Là où mes yeux
ma chevelure noire
me griseraient
où je cacherais mon français infirme
derrière un silence astucieux
Je séduirais
une Française vierge
et la dépucellerais sans verser de dot
J'entrerais par effraction
dans la famille de Rimbaud
Mais je suis venu à toi, ô monde
imprévu comme un coup d'Etat
sec comme une notice nécrologique
Je suis venu à toi,ainsi
sans Cause appropriée
et presque sans crier gare
Je suis venu à toi
tout à fait ordinaire
lors d'une année ordinaire
et sans façon
j'ai écrit des poèmes
aux couleurs mêmes de la vie
Seulement voilà
personne n'a encore découvert
que j'étais
un poète différent
Yassin Adnan
---------------------------------------------------------------------------------------------------
We real cool
We real cool. We
Left school. We
Lurk late. We
Strike straight. We
Sing sin. We
Thin gin. We
Jazz June. We
Die soon.
Gwendolyn Brooks
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Ceci
On dit que je feins, ou mens,
Tout ce que j'écris. C'est faux.
Tout simplement je sens
Avec l'imagination.
Je ne me sers pas du coeur.
Tout ce que j'éprouve, ou rêve,
Ce qui me lèse, ou s'achève, est comme une terrasse
Sur autre chose encore.
C'est cette chose qui est belle.
C'est pourquoi j'écris au milieu
De ce qui est lointain,
Délivré de mes fascinations,
Sérieux de ce qui ne l'est.
Sentir ? Au lecteur de sentir !
Fernando Pessoa
---------------------------------------------------------------------------------------------------
The Sloth
In moving-slow he has no Peer.
You ask him something in his Ear,
He thinks about it for a Year;
And, then, before he says a Word
There, upside down (unlike a Bird),
He will assume that you have Heard—
A most Ex-as-per-at-ing Lug.
But should you call his manner Smug,
He'll sigh and give his Branch a Hug;
Then off again to Sleep he goes,
Still swaying gently by his Toes,
And you just know he knows he knows.
Theodore Roethke
----------------------------------------------------------------------------------------------------
Les réparties de Nina
LUI. - Ta poitrine sur ma poitrine,
Hein? nous irions,
Ayant de l'air plein la narine,
Aux frais rayons
Du bon matin bleu, qui vous baigne
Du vin de jour?...
Quand tout le bois frissonnant saigne
Muet d'amour
De chaque branche, gouttes vertes,
Des bourgeons clairs,
On sent dans les choses ouvertes
Frémir des chairs:
Tu plongerais dans la luzerne
Ton blanc peignoir
Rosant à l'air ce bleu qui cerne
Ton grand oeil noir
Amoureuse de la campagne,
Semant partout,
Comme une mousse de champagne,
Ton rire fou:
Riant à moi, brutal d'ivresse,
Qui te prendrais.
Comme cela, - la belle tresse,
Oh! - qui boirais
Ton goût de framboise et de fraise,
Ô chair de fleur!
Riant au vent vif qui te baise
Comme un voleur,
Au rose églantier qui t'embête
Aimablement:
Riant surtout, à folle tête,
À ton amant!...
- Ta poitrine sur ma poitrine,
Mêlant nos voix,
Lents, nous gagnerions la ravine,
Puis les grands bois!...
Puis, comme une petite morte,
Le coeur pâmé,
Tu me dirais que je te porte,
L'oeil mi-fermé...
Je te porterais, palpitante,
Dans le sentier:
L'oiseau filerait son andante:
Au Noisetier..
Je te parlerais dans ta bouche:
J'irais, pressant
Ton corps, comme une enfant qu'on couche,
Ivre du sang
Qui coule, bleu, sous ta peau blanche
Aux tons rosés:
Et te parlant la langue franche...
Tiens!... - que tu sais...
Nos grands bois sentiraient la sève
Et le soleil
Sablerait d'or fin leur grand rêve
Vert et vermeil.
Le soir?... Nous reprendrons la route
Blanche qui court
Flânant, comme un troupeau qui broute,
Tout à l'entour
Les bons vergers à l'herbe bleue
Aux pommiers tors!
Comme on les sent toute une lieue
Leurs parfums forts!
Nous regagnerons le village
Au ciel mi-noir;
Et ça sentira le laitage
Dans l'air du soir;
Ça sentira l'étable, pleine
De fumiers chauds,
Pleine d'un lent rythme d'haleine,
Et de grands dos
Blanchissant sous quelque lumière;
Et, tout là-bas,
Une vache fientera, fière,
À chaque pas...
- Les lunettes de la grand-mère
Et son nez long
Dans son missel; le pot de bière
Cerclé de plomb,
Moussant entre les larges pipes
Qui, crânement,
Fument: les effroyables lippes
Qui, tout fumant,
Happent le jambon aux fourchettes
Tant, tant et plus:
Le feu qui claire les couchettes
Et les bahuts.
Les fesses luisantes et grasses
D'un gros enfant
Qui fourre, à genoux, dans les tasses,
Son museau blanc
Frôlé par un mufle qui gronde
D'un ton gentil,
Et pourlèche la face ronde
Du cher petit...
Que de choses verrons-nous, chère,
Dans ces taudis,
Quand la flamme illumine, claire,
Les carreaux gris!...
- Puis, petite et toute nichée
Dans les lilas
Noirs et frais: la vitre cachée,
Qui rit là-bas...
Tu viendras, tu viendras, je t'aime!
Ce sera beau.
Tu viendras, n'est-ce pas, et même...
ELLE. - Et mon bureau?
Arthur Rimbaud
-------------------------------------------------------------------------------------------------------
Colored child at carnival
Where is the Jim Crow section
On this merry-go-round,
Mister, cause I want to ride?
Down South where I come from
White and colored
Can't sit side by side.
Down South on the train
There's a Jim Crow car.
On the bus we're put in the back—
But there ain't no back
To a merry-go-round!
Where's the horse
For a kid that's black?
Langston Hughes
|